Les zèbres bipèdes : une espèce à part

Il y a 6 mois, j’ai appris ce qui « n’allait pas » chez moi. Pourquoi suis-je différente ? Pourquoi je ne comprends que rarement ce que les autres me disent ou attendent de moi ? Pourquoi les autres ne me comprennent pas ? Pourquoi tout est sujet à une intense réflexion, même les tâches les plus simples ? Pourquoi j’ai des changements d’humeur brutaux et incontrôlables ? Pourquoi mon cerveau va parfois à 1000 à l’heure, sans me laisser le moindre répit ? Je suis HPI : haut potentiel intellectuel. Mais ça veut dire quoi ?

Pour les gens qui se posent la question, quand j’étais petite on appelait ça des surdoués. Aujourd’hui on utilise un mot plus que pompeux pour nous désigner. Sinon une psychologue nous appelle des zèbres. Je préfère cette appellation, mystérieuse, incertaine, différente, modeste. Elle nous représente mieux.

Car pour moi être HPI ce n’est pas être un « génie », ce n’est pas être « plus intelligent ». Mais c’est surtout être intelligent différemment. On ne pense pas de la même façon. On ne comprend pas les mots de la même façon, ni les situations. On a un sens exacerbé de la justice. Une hypersensibilité qu’il faut apprivoisé. Une hyper-empathie qui nous fait ressentir les émotions des personnes environnantes, qu’il faut apprendre à gérer. Mais surtout, un cerveau qui comprend et fait des déductions logiques si vite, qu’il nous est impossible d’expliquer comment on sait ces choses. Souvent on passe pour des idiots à cause de ça. Des gens bizarres car on ne sait pas se comporter en société et qu’on ne comprend pas les humains. Ils nous font peur parfois. Nous sommes fatigants avec nos questions dés notre plus jeune âge. Et en tant qu’adulte au travail, les questions passent pour de l’insubordination. Nous sommes des éternels enfants, tout en sachant dés le plus jeune âge nous occuper des autres, même en étant adultes nous nous émerveillons des plus petits bonheurs. Mais je pense que je devrais donner des exemples pour que vous puissiez comprendre tout cela.

Quand j’avais 7 ans, en CE1, j’ai demandé à ma mère ce que voulait dire le mot « comprendre ». A la fin de chaque leçon mon instituteur demandait : tout le monde a compris ? Je répondais oui par mimétisme mais je n’arrivais pas à savoir ce qu’il voulait dire. Ou plutôt, je ne savais pas comment être sûre d’avoir compris une notion. Comment savoir ça ? Pour les autres ça semblait tellement évident, je me trouvais stupide de me poser cette question. Mais un mercredi j’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai posé cette question à ma mère :

Maman, qu’est-ce que ça veut dire comprendre ? Le maître demande tout le temps si on a compris mais comment je peux le savoir ?

Un zèbre de 7 ans

Bien sûr ma mère était un peu démunie. A l’époque, nous n’avions pas internet à la maison. Mais avec toute sa bienveillance de maman, elle a tenté de m’expliquer une notion si intuitive et si difficile à décrire. Alors elle a pris un dictionnaire et m’a lu la définition. Ca ne m’a pas vraiment aidé, mais j’ai compris qu’elle avait vraiment essayé de m’aider sans se moquer de moi. J’ai ressentie sa difficulté, alors je n’ai pas insisté et suis repartie avec toujours autant de questions.

Au même moment, entre mes 6 et mes 8 ans, une question tournait en boucle dans mon esprit. C’était peut-être plus une échappatoire à la dureté de la vie que j’arrivais déjà à capter avec mes rayures invisibles. Elle venait surtout quand mes parents se disputaient.

Comment savoir si c’est ma vie ? Que je ne vois pas les actions de quelqu’un d’autre à travers ses yeux ? Ce n’est pas ma vie, c’est celle de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas ma vie.

Petit zèbre devant la dureté de la vie

Je n’ai jamais parlé de ça à personne. Je savais déjà que ce n’était pas normal de penser ça. Et je savais que c’était ma vie et que je n’était pas que spectatrice, mais tout me semblait aller si vite que j’en avais parfois l’impression, et même encore parfois maintenant.

Depuis toujours, je ne sais pas faire la conversation. J’ai appris que je n’étais pas timide, je ne sais pas juste quoi dire à de inconnus. Puisque je ne les connais pas, comment pourrais-je savoir de quoi parler ? Demander dans quoi la personne travaille ? Mais.. Et si elle est au chômage et qu’elle en souffre, je vais la mettre mal à l’aise. Demander si elle a une famille ? Et si elle a perdu toute sa famille dans un incendie l’année passée ?! Parler de la pluie et du beau temps ? Mais ça m’intéresse absolument pas comme sujet de conversation !

Voilà ça c’est la démonstration d’un cerveau qui réfléchis constamment à la moindre action. Du coup je ne vais pas voir les nouvelles personnes. Je ne comprends pas comment on fait et j’en ai assez de faire semblant d’avoir compris. Je maitrise parfaitement l’ironie, bien mieux que certains de mes congénères. Je la maitrise tellement que souvent les autres humains pensent que je suis sérieuse. Ou alors c’est le signe que je ne la maitrise pas du tout ?

Même à presque 30 ans, j’aime me poser dans un champs pour chercher des animaux dans les nuages. Je me réjouis en sautant de joie quand j’ai un bon de réduction de 5€ au supermarché. Je dis franchement tout ce qui me passe par la tête, même d’une façon très dure, mais c’est peut-être parce que je suis sagittaire. Je pleure dès que j’ai une émotion trop forte : la joie, la tristesse, la colère, la frustration, la rage. J’ai tellement d’empathie que quand je regarde un film où quelqu’un est blessé, je ressens une douleur au même endroit.

Je pose tout le temps des questions, j’ai besoin de comprendre. Récemment je me suis mise à jouer à Dofus avec mon chéri. Je pose des questions non stop. En plus je ne les formule pas comme il pourrait les comprendre (oui il est pas HPI). Du coup il répond à côté. Et comme ma patience est légendaire, je peux facilement m’énerver. Et lui ça le saoule que je pose tant de questions. Et sa patience est aussi grande que la mienne. Le merveilleux cercle vicieux haha ! Mais ça va, il sait que je suis HPI donc il accepte.

On éprouve énormément la patience des autres, nous qui n’en avons aucune les 3/4 du temps. Nous pour qui tout va si vite. En fait on a beaucoup de patience, selon notre propre échelle de temps. Mais notre cerveau va si vite, on a l’impression que le monde tourne au ralenti. Les gens sont si lents le plus souvent. Ca peut paraitre condescendant de dire ça comme ça, mais c’est comme ça qu’on le ressent. On a peut-être été monté à l’envers à la naissance.

Je dois avouer qu’apprendre à 28 ans à été dur mais aussi un véritable soulagement. Je n’étais plus simplement bizarre ou tarée (oui dans le sens avoir une tare). J’avais ma superbe petite étiquette pour expliquer aux gens ce que j’avais et pourquoi je ne me comportais pas comme la plupart des gens. Jusque la, je n’aimais pas les étiquettes et je ne comprenais pas pourquoi tant de gens cherchaient à en avoir une. Maintenant que j’ai la mienne je comprends mieux. c’est pas pour nous qu’on en cherche une. C’est pour pouvoir se définir auprès des autres. Pouvoir expliquer en quoi on est différent. Maintenant je comprends, et en 6 mois j’ai appris à aimer la mienne. J’espère que vous aimez également la vôtre ❤

Une réponse sur « Les zèbres bipèdes : une espèce à part »

  1. Je viens de lire Adulte Doué et sensibles de Arielle Adda et Thierry Brunel … et pour les auteurs les HPI sont des vilains petits canards qui ignorent beaucoup trop longtemps qu’ils sont des cygnes… je suis enfin soulagées de savoir que je ne suis pas folle ! Je suis juste un cygne qui vit dans un monde composé à plus de 90% de canards 😁
    Il va me falloir un peu de temps pour intégrer cette information moi qui ait été « désinformée » sur ma nature une bonne partie de ma vie. Pour ma famille seul mon frère avait cette « chance » d’être un surdoué (attesté par des tests de QI). Il a été poussé à deployer toutes ces capacités et protégé.
    Pendant que j’étais laissée à mes doutes, mes incompréhensions, mon empathie exacerbée (il y a des passages entiers de film que je dois couper car je ressens la honte ou la tristesse des personnages comme si c’était moi)… j’ai tenté dans ma jeunesse d’éteindre ce qui était différent chez moi avec des paradis artificiels mais on ne peut indéfiniment cacher qui nous sommes ! Je ne le veux plus !
    Ton article me fait beaucoup de bien, mille mercis …
    Et félicitations pour ton étiquette, elle te va à ravir !
    Belle soirée

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